domingo, noviembre 12, 2006

échos picaresques


Il y a plus de vingt ans, un professeur iranien fuit son pays et la république islamique et sauve de son immense bibliothèque trois livres : parmi eux, Gil Blas de Lesage. Quelques années plus tard, à Paris, il offre l’exemplaire à un de ses étudiants, colombien, qui en trouvera un en espagnol à son retour en Colombie, à Pereira, ayant appartenu à un homme qui luttait contre la peine de mort. Cet étudiant devient professeur à Bogota et décide de faire une conférence sur Gil Blas. Il confie le premier volume à une amie, française, à qui il demande de participer à la conférence et qui se souvient vaguement, en soupirant, que ce même livre était au programme de l’agrégation de lettres en 2004.

Le 9 novembre 2006, date à laquelle doit se tenir la conférence, est aussi la date fixée pour la grève nationale en Colombie. L’université où devait se donner la conférence, la Pedagogica, est fermée sous l’initiative des étudiants. L’organisatrice me raconte que fut un temps où les étudiants, cagoulés, faisaient violemment irruption dans les salles de cours pour sortir de force les autres étudiants, non cagoulés, pour qu’ils participent aux manifestations. Le lendemain c’est la police qui a encerclé et fermé les bâtiments, au cas où, parce que les étudiants des universités publiques, dans les imaginaires, sont des activistes politiques purs, durs et dangereux, qu’il faut faucher à la racine.

Je n’ai pas pris des photos – en fait on me l’a fortement déconseillé. Les gens manifestaient, entre autres, contre la dureté de la répression des protestations sociales et plus concrètement contre les assassinats et les disparitions miraculeuses des manifestants les plus actifs, que la police fiche en mettant des caméras sur la place Bolivar, en confisquant les appareils photos, en se renseignant, en s’infiltrant. On les retrouve parfois morts, un jour, sans qu’on sache qui est l’auteur du crime (mais avec de fortes présomptions… c’est le cas du meurtre de l’étudiant de Cali, à l’origine de la manifestation dont j’ai montré les photos dans un de mes premiers post) ou alors ils se font embarquer par la police et on ne les revoit plus après. Bref, j’ai préféré ne pas faire partie du dispositif.

La manif étudiante à laquelle j’ai assisté était plutôt tranquille et en dessous du mythe (et j’aurais pu prendre plein de photos, ndlr un peu dépitée), celle qui partait de centre paraissait plus mouvementée mais je ne sais pas, le lendemain je n’ai même pas trouvé une ligne sur la grève dans El Tiempo, le quotidien national (j'ai mal cherché?). Mais Gil Blas court toujours.

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